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(Spinoza)

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Bonheur mondial et réchauffement climatique

 Depuis 20 ans, l’indice du bonheur mondial (IBM) de GLOBECO tente de mesurer le bonheur mondial. C’est le seul indice de ce type à ce jour dans le monde, puisque les indices similaires (rapport mondial sur le bonheur de l’ONU, indice de la prospérité de LEGATUM ...) ne sont que des classements par pays, et que d’autres indices, comme celui le BNB du Bhoutan ou l’indice du bien-être de l’OCDE ne concernent qu’un pays (le Bhoutan) ou uniquement ceux de l’OCDE.

 

Cet indice, qui a suscité beaucoup d’intérêt à sa naissance (2001) et lorsque Nicolas Sarkozy, en 2009, a créé une commission dite des Prix Nobel pour tenter de remplacer le PIB par un indice moins exclusivement monétaire, plus proche du bien-être, ne suscite plus aujourd’hui qu’un intérêt limité, mais il provoque toujours quelques critiques. La plus importante  est la suivante :

 

 Cet indice ne tiendrait pas suffisamment compte du réchauffement climatique et des dommages subis par l’environnement.

  Cet article a pour objectif de démontrer que cette critique est pour le moins exagérée, voire sans objet.

 

Je rappelle d’abord que l’IBM est calculé à partir de 4 piliers (paix et sécurité ; liberté, démocratie et droits de la personne humaine ; qualité de la vie et de l’environnement ; intelligence et culture) et que l’évolution de chacun de ces piliers est évaluée à partir de 10 indicateurs représentatifs de chacun d’entre eux. Ce sont donc au total 40 indicateurs qui permettent de mesurer, année après année, l’évolution du bonheur mondial.  Sur ces indicateurs, 4 concernent directement le réchauffement climatique : le taux de CO 2 dans l’atmosphère (avec un coefficient 2), la surface forestière mondiale par habitant et le pourcentage de personnes bénéficiant dans le monde d’eau et de sanitaires de qualité. A première vue, seuls 10 % des indicateurs (4 sur 40) concernent donc le réchauffement climatique et les problèmes d’environnement.

 

La critique est facile : comment se fait-il que « le problème du siècle » ne représente que 10 % de mon indice ?

 

Je passe sur l’opinion souvent exprimée et relayée selon laquelle, en dehors du réchauffement climatique, rien ne compte, puisque monsieur Jadot, porte-parole influent des verts, se donne pour mission, non seulement de représenter son parti aux prochaines élections présidentielles, mais aussi de « sauver le monde » (sic ...). Je passe aussi sur la croisade d’une petite Suédoise qui incite les jeunes à manifester pour le climat plutôt que d’aller à l’école le vendredi après-midi, veille du week-end ...

 Plus sérieusement, en acceptant le fait que le réchauffement climatique est effectivement un problème très grave pour notre planète et donc pour ses habitants, ma « défense » est la suivante :

 1 – l’IBM a été créé pour dépasser le PIB qui n’est calculé que sur la base de valeurs monétaires, excluant des données aussi importantes que la paix,  la sécurité, la liberté, le bénévolat, les inégalités,  le taux de mortalité des enfants ... L’objectif de l’IBM est non seulement de tenir compte de ces éléments, mais aussi d’inclure ce que les économistes appellent les « externalités négatives », comme les accidents de la route ou la destruction des forêts, qui entrent positivement dans le calcul du PIB. L’IDH du PNUD, à partir des années 1990 a été un premier pas pour aller dans ce sens, mais seulement avec 3 indicateurs (PIB, espérance de vie à la naissance, éducation) et l’IBM permet d’aller plus loin  en tenant compte d’autres éléments qui font eux aussi, que « la vie mérite d’être vécue » selon la belle expression de Robert Kennedy. On peut en conclure que l’IBM représente un progrès par rapport au PIB en incluant dans son calcul des éléments relatifs à l’environnement et au réchauffement climatique. Cette prise en compte est-elle suffisante ?

 

2 – Certes, le réchauffement climatique et l’environnement ne représentent directement que 10 % des indicateurs permettant de calculer l’IBM, mais, indirectement, leur poids est beaucoup plus important si on prend la peine d’analyser les conséquences potentiellement dramatiques de la destruction de l’environnement et du réchauffement climatique.

 

21 – Première conséquence dramatique mise en avant : la chute du PIB : le rapport Stern, commandé par Tony Blair en 2006 à un économiste éminent, indiquait que le réchauffement climatique entraînerait à terme un baisse de 20 % du PIB, à partir de calculs parfaitement fantaisistes, mais que toute la presse, y compris Le Monde en France, a repris en gros titres à la une ... Pour le moment, je note que c’est plutôt la crise des Subprimes ou le COVID 19 qui ont fait chuter le PIB, plus que le réchauffement climatique, mais si cette baisse se produit à cause du réchauffement climatique, mon indice le prendra évidemment en compte puisque le PIB reste un des 40 indicateurs de mon indice.

 

22 – Deuxième conséquence dramatique : l’augmentation du niveau de la mer, entraînant une croissance très importante du nombre de « réfugiés climatiques ». Je note que, pour le moment, les personnes déplacées viennent principalement des pays en conflit ou très pauvres. Le jour où, éventuellement, le nombre de réfugiés climatiques explosera, mon indice le prendra en compte puisque cet élément (nombre de personnes déplacées contre leur gré)  est un de mes 40 indicateurs.

 

23 – Troisième conséquence dramatique : la multiplication de phénomènes climatiques extrêmes, entraînant un nombre croissant de victimes, sous forme de morts violentes. Pour le moment, je note que les accidents de la route provoquent cent fois plus de décès, selon les chiffres de l’OMS, que les typhons, les ouragans ou les incendies dus aux grandes sécheresses ... Le jour où, éventuellement, ces phénomènes climatiques extrêmes seront plus meurtriers, mon indice le prendra en compte puisque le nombre de morts violentes (qui ne cesse de baisser en pourcentage de la population)  est un des 40 indicateurs de l’IBM.

 

24 – Quatrième conséquence dramatique : la chute de la production agricole. Il est vrai que le niveau des disponibilités alimentaires n’est pas mesuré par mon indice ; mais cela ne me trouble guère. En effet, comme je l’ai montré dans mon livre (« La famine vaincue ? », Éditions France Agricole) et dans mon article de Novembre 2019 (« Production agricole mondiale, vive le réchauffement climatique », disponible sur mon site Internet, rubrique « il ne faut pas désespérer la planète »), il n’y a plus et il n’y aura plus, d’ici à 2050 et au delà, de problème quantitatif de production agricole mondiale : les paysans du monde ont définitivement gagné la partie contre Malthus. Le dernier rapport du GIEC va d’ailleurs dans ce sens, et, en outre,  la population mondiale n’augmentera plus que lentement à partir de 2050. 

 

25 – Dernière conséquence dramatique mise en avant : la croissance des inégalités entre pays et à l’intérieur des pays, provenant du fait que le réchauffement climatique sera beaucoup plus nocif pour les populations fragiles que pour les personnes les plus favorisés. Voilà qui est pris en compte également par mon indice, qui tient compte non seulement des inégalités de revenus à l’intérieur des pays, mais aussi entre pays. Le jour où, éventuellement, les inégalités exploseront, mon indice le prendra évidemment en compte. Pour le moment, entre pays riches et  pays pauvres,  contrairement aux idées reçues, ce n’est le cas, ni pour le PIB, ni pour l’espérance de vie, ni pour le niveau d’éducation, au contraire ! Quant au coefficient de GINI, qui mesure les inégalités à l’intérieur des pays, il n’a que très faiblement augmenté depuis 2000.

 

En définitive, la prise en compte des problèmes de réchauffement climatique et de ses conséquences est très supérieure à 10 %, puisque les indices relatifs au PIB, à l’espérance de vie, aux morts violentes, aux réfugiés et aux inégalités  mesurent l’évolution de ces éléments. Le jour où tous ces indicateurs seront au rouge, cela se verra dans mon indice, qui se mettra alors à baisser. Pour le moment, ce n’est pas le cas. Cela arrivera peut-être dès 2020, comme ce fut le cas en 2009 et 2010, suite à la crise des Subprimes, mais ce sera à cause du COVID, et non du réchauffement climatique.

 

 

Pierre le Roy, créateur de l’indice du bonheur mondial, septembre 2020

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 - Un article par mois disponible sur mon site Internet GLOBECO, rubrique « il ne faut pas désespérer la planète »

 - Derniers ouvrages parus :

 « L’agriculture française de 1867 à nos jours », SAF Agr’idées, 2017 ;

  • « la famine vaincue ? », Éditions France Agricole, 2019 ;
  • « Engie, de la Compagnie de Suez (1858) à nos jours », Economica, 2020.

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