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Poutine, Xi : quousque tandem ?

Vladimir Poutine prononçant un discours à Moscou« Quousque tandem abutere, Catilina, patientia nostra ? ». Ainsi s’exprimait Cicéron pour se plaindre de la gouvernance du Consul Catilina : « Jusques à quand enfin abuseras-tu, Catilina, de notre patience ? »

Cette adresse, nous pouvons l’utiliser pour fustiger l’attitude des dirigeants russe et chinois, qui ont 70 ans  chacun, et qui se verraient bien diriger leur pays pendant encore une ou deux décennies, voire « à vie » ...

 

Voici d’abord Vladimir Poutine, qui dirige la Russie depuis vingt ans. Il est vrai que, lorsqu’il a succédé, en 2002, à l’inénarrable Boris Eltsine, la Russie réclamait un homme fort, pour mettre fin à la décennie précédente, caractérisée par la corruption et par l’anarchie. Mais il est vrai aussi que, depuis vingt ans, Poutine n’a cessé d’accentuer le caractère peu démocratique de la Russie, où l’opposition et les médias sont considérés et traités comme s’ils étaient des ennemis du peuple russe. En outre, l’économie progresse aujourd’hui plus que par le passé, mais le PIB russe, en valeur globale, est à peine supérieur à celui de l’Espagne, et son PIB par habitant, en parité de pouvoir d’achat, est à peine supérieur à celui de la Bulgarie et du Chili ...

 

Quant à la politique étrangère, inspirée par la volonté de revenir à la Grande Russie (« Make Russia great again », pourrait dire Poutine, en imitant Donald Trump ...), elle conduit à la mainmise, hier sur la Crimée et demain peut-être sur une partie de l’Ukraine, et se traduit par un soutien sans faille à la famille Assad et aux autocrates de Biélorussie et du Kazakhstan.

 

Voici ensuite Xi Jin Ping,  qui dirige la Chine depuis 2012. A son arrivée, beaucoup d’experts pensaient que l’avènement d’une politique économique plus libérale et plus ouverte sur le monde, initiée par Deng Xiao Ping, conduirait naturellement à un régime politique s’orientant lui aussi vers la démocratie. La réalité est exactement inverse : comme en Russie, le régime est devenu de plus en plus autoritaire, notamment à l’égard des minorités tibétaines et Ouïghour, et nous ne sommes sans doute pas loin, avec la généralisation des caméras de reconnaissance faciale et l’institution progressive du « crédit social », d’un pays où le Parti Communiste ressemblera étonnamment à Big Brother.

 

Quant à la politique étrangère, inspirée elle aussi par la volonté de réaliser « la Grande Chine » avant 2049, année du centenaire de l’arrivée de Mao au pouvoir, elle conduira inéluctablement à la mainmise sur Hong Kong et sur Taïwan et à des risques de conflit en Mer de Chine avec ses voisins asiatiques. On peut donc, comme pour la Russie, se poser la question de l’attitude chinoise : se contentera-t-elle de devenir une puissance économique dominante ou voudra-t-elle aussi rivaliser avec les Etats-Unis et avec l’Occident pour imposer sa puissance militaire et sa « civilisation » ?

 

On en revient aux analyses de Samuel Huntington (« Le choc des civilisations », Odile Jacob, 1997) pour qui les « arrogances » chinoise et occidentale se confronteront un jour, et au piège de Thucydide évoqué par Graham Allisson (Vers la guerre, Odile Jacob, 2019) : lorsque, dans le passé, une puissance dominante (aujourd’hui les Etats-Unis) se fait rejoindre par une puissance émergente (aujourd’hui la Chine), les risques de conflit violent  sont majeurs. Cela s’est passé déjà 18 fois dans l’histoire, par exemple  entre Sparte et Athènes, au temps de Thucydide : cela s’est terminé par une guerre 14 fois ... Mais rien n’est inéluctable !

 

En attendant, les Russes et les Chinois supporteront-ils encore longtemps d’être privés de cette liberté qui a eu la peau du nazisme, du communisme et du colonialisme ?  

 

 

Pierre le Roy, GLOBECO, « Il ne faut pas désespérer la planète », février 2022